Coeur sauvage : mon roman à paraitre le 20 août chez Oskar.
Extrait de la fin du chapitre 4.
[...]
Ma première journée
de resquilleur est interminable. Je ne fais même pas attention au paysage qui
défile par les fenêtres. Je passe d’une voiture à l’autre, me posant à la
moindre place disponible pour faire croire que je renoue mes lacets. J’en
profite pour observer les gens et leurs possessions ou, si l’accueil est
chaleureux, raconter une histoire de mon grand-père en échange d’un peu de
nourriture ou de quelques pièces. Bien que l’hospitalité russe soit généreuse,
dans le transsibérien, personne ne vous offre un lit. C’est le mode de
transport des plus modestes, qui rentrent chez eux ou se rendent au travail.
Heureusement, je trouve un compartiment technique mal fermé pour y passer la
nuit.
Je suis réveillé
avant l’aube par l’un des nombreux arrêts. Moulu, encore ensommeillé,
j’abandonne mes affaires et pars en quête de quelques billets pour continuer
mon périple. Je reviens à ma cachette un peu plus tard avec une poignée de
roubles, un sandwich rance et un paquet de scrupules d’avoir dépouillé des
voyageurs.
Nouveau réveil. Il
est deux heures de l’après-midi à la montre du technicien qui me secoue.
— Qu’est-ce que tu fais ici, gamin ?
— Je me cachais. Mon père était de mauvais poil ce matin,
vous voyez ?
— Ouais, bah tu peux pas rester là.
Je ne cherche pas à
négocier. En sortant du local, je tombe face à ma prédatrice et fais comme si
je retournais à ma place. Je me colle au mur pour laisser passer la provnista.
Cette petite alerte terminée, je m’installe non loin de la porte extérieure
pour descendre à la prochaine gare. Arbres blanchis, lac gelé et maisons au
loin se succèdent derrière la vitre. La station de béton aux couleurs délavées
se dessine enfin. Les roues crissent encore quand je me jette hors du train,
bondissant comme un animal pourchassé en direction du guichet. Je n’ai que
quelques minutes. Toujours pas moyen de me payer un aller direct pour
Lessozavodsk... mais avec ce ticket, je m’en rapproche. Je me faufile dans
l’étroit couloir et reprends ma place en troisième classe. Mes anciens
compagnons sont partis, et les nouveaux occupants me saluent brièvement avant
de se replonger dans leur lecture ou, un casque sur les oreilles, dans leur
musique.
Je passe les quatre
jours suivants à alterner larcins dans les wagons voisins et contes, pour
n’avancer parfois que d’un seul point sur le schéma de la ligne
Moscou-Vladivostok. Les noms des gares défilent, mais le paysage enneigé
ressemble à un film qui tournerait en boucle.
Ça devait arriver.
Je n’ai pas assez pratiqué le vol dans le métro moscovite. Manque
d’entraînement ? Manque de conviction ? Manque de technique ?
Juste avant que le train ne s’immobilise en gare d’Irkoutsk, la gardienne me
prend la main dans le sac.
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